Aujourd'hui : de la fragilité du sentiment de propriété
« Quand un type dit « Ceci est à moi », dans sa tête, il y a un câble, un gros câble, bien râpeux, bien solide, qui est attaché à un bout à la chose et à l'autre bout à lui, type, avec des nœuds très serrés, très costauds.
Comme il y a au monde beaucoup de choses et beaucoup de têtes, ça fait beaucoup de câbles, oh là là, oui ! Tellement de câbles qu'il n'y aurait plus moyen de circuler entre tous ces câbles s'ils existaient ailleurs que dans les têtes.
Heureusement, ils ne sortent pas des têtes, ou alors rarement, par exemple pour les chiens, et alors ça s'appelle une laisse, ou pour les femmes du monde, et alors ça s'appelle une rivière de diamants ; mais ce sont des cas exceptionnels, et de toute façon on ne peut pas toujours tenir l'autre bout, il y a forcément des moments où on le lâche, ne serait-ce que pour faire pipi, et alors, crac, le chien traverse la rue juste quand passe l'autobus, la femme du monde en fait autant juste quand passe une lamborghini avec un gigolo dedans. L'un passe dessous, l'autre saute dedans, on ne peut pas savoir d'avance ? En tout cas le chien, la femme… pfuitt… à pus ».
Texte et illustration :François Cavanna – L'aurore de l'humanité – Belfond – 1984
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Created by guy • Last edit by jeff on Mai 18th, 2022