Les derniers Mots du Jour
Guy BLANCHARD 2 novembre 1944 – 14 août 2022
De sa fenêtre et de son lit, il pouvait lire toute la journée ceci. Il a cherché vainement la contrepèterie, ou l’anagramme marrant…
Jusqu’au dernier souffle, il a fait de l’humour et de l’auto-dérision, avec les soignant(e)s, la famille.
Jusqu’à être trop fatigué, il a fait rimer son quotidien, pensant à de futurs mots du jour, qu’il n’a pas eu la force de publier.
Les voici, pas forcément mis en forme comme il l’aurait aimé, je débute en mots du jour. Vous l’aurez compris, il n’a pas aimé la « bouffe » de l’hôpital ! Mais la maladie l’avait privé du goût depuis longtemps déjà pour les petits plats mitonnés de sa femme, alors un plateau d’hôpital…
Il y en avait bien d’autres en réserve, des idées de mots du jour ou de tout ce qu’il rédigeait dans son « usine à conneries » (mais pas que !), mais nous ne pourrons plus en profiter.
Merci à vous tous et toutes qui avez été son fidèle lectorat pendant des années, avec un nombre d’abonnés qui augmentait dans le temps. Il s’est pris au jeu de ce mot quotidien (ou presque) depuis 2008 et était fier d’avoir tous ces « followers ».
Le mot du jour s’éteint aujourd’hui dans la tristesse…
Hélène Blanchard
Chroniques hospitalières clinique ST JEAN - juillet 2022
La carte du chef
Paupiettes & haricots
Brunie à perfection, elle attisait ma faim
Et moi qui crois encore à tous les vieux dictons,
Je me dis : « Allons-y ! Dans le cochon, tout est bon ! »
Sa robe dégrafée, elle montrait son intime :
La belle avait subi les outrages ultimes…
Le trésor espéré d'odorante triperie
Avait laissé sa place à un trop fin hachis…
Les haricots nageaient dans leur eau de cuisson
Où le gras des paupiettes faisait des yeux tout rond
J'en ai bien mangé cinq : prescription médicale :
Les fibres aident au transit intestinal !
Des pois chiches en salade, j'en ai picoré trois :
Assez pour m'assurer qu'ils n'étaient pas de bois
Le test suffisant : je sais d'où ils proviennent :
Des grains du chapelet d'une pieuse paroissienne !
De la Dinde à la pêche
Des petits dés de tomate pachydermique,
Bien rouge, mûris sous de faux soleils électriques
Des cubes de fromage, issus de la bufflone
Dans une conque de laitue, dansaient une chaconne
Pour transformer ses blancs en un rôti si gros
La dinde venait de l’île du Professeur Moreau
Et sa chair ligneuse, résistante à la dent
N'a pas pris le chemin de ma pomme d'Adam…
J'en ai pourtant sauvé la sauce au glutamate
Pour l'étaler au fond de mon assiette plate…
…Car le riz demi-cuit, sans assaisonnement
Ça peut vraiment conduire jusqu'à l'étouffement !
C'est sec, ça colle en bouche, plus moyen d'avaler…
C'est dans cette chimie que je l'ai dilué.
Puisse mon estomac m'en être reconnaissant
Et gargouiller de joie devant un tel présent !
La pêche, quant à elle, elle est bien innocente :
De la fendre au couteau, j'ai été incapable
Sa robe et sa couleur étaient pourtant tentantes…
Peut on lui reprocher de n'être pas coupable ?
La quadrature du triangle
Seul un habitué du « Triangle » SNCF
Donnera une étoile* au Croque-monsieur du Chef !
Arrondir les angles
Ce soir le Chef s'est encore dépassé !
Fines rondelles de carottes ; très fines : on réduit le temps de cuisson et la mode n'est elle pas au crudivore…
Les rondelles de patates, comme il se doit al dente, elles aussi. Je peux, à ce sujet révéler un secret. Il date de mes années « colonie de vacances ».
C'est la forme, le goût, et la taille de celles servies ce soir qui me l'ont rappelé :
– Prendre un vieille patate
– La débiter, sans l'éplucher, en taillons du volume d'une pomme de terre nouvelle
– La jeter dans l'éplucheuse au fond de laquelle tourne une meule ondulée.
– Laisser tourner suffisamment longtemps pour obtenir les rotondités adéquates.
29/07/2022
La fixation du Chef, ce doit être la résille :
Un ancien du Lido, ou natif de Castille ?
Il en recouvre tout… Jusqu'aux haricots verts,
Dont j'ai haussé le goût d'un trait de citron…vert
J'en ai pris les trois-quarts, rel'vés de cette façon…
Et puis, caché dessous, un carré de poisson.
Un silure, sans doute, dont on a ôté l' « L »
Et puis haché ainsi en pavé informel…
Un peu de poivre dessus… je ne l'ai pas fini
L'éternel yaourt, marqué « protéiné »
Je me suis fais violence jusqu’à le terminer.
La banane, un peu verte, finira de mûrir
Dans mon intestin grêle… et voudra en sortir…
Enfin !
30/07/2022
Carottes dures et crues, baptisée « coleslaw »
Se sont enchevêtrées, bien sûr, entre mes crocs
On nous a resservi, de riz tiède, une plâtrée
Agrémentée des restes d' la dinde ménopausée
Puis l'éternel flanc, vanille / glutamate
Est venu compléter cette orgie délicate…
31/07/2022
La cuisiniste circonvenue m'a r'filé un p'tit pain de plus
(Avec du beurre, pour mettre dessus)
J'pourrai attendre la collation
Sans risquer l'inanition.
La dinde, il ne l'a pas ré-enfournée
Il prétend aujourd'hui qu'elle est dev'nue goret
Du cochon,a midi, elle mime le rôti
Planquée sous une montagne de s'moule
Le Chef, avant, était cuistot pour poules
L'infirmière m'a fait remarquer
Qu'il faisait chaud dans ma chambrée
J'ai répondu, pour faire l'malin
Qu' j'obéissais à Dard Malin
Dont berline climatisée
L'attendait Cour l’Élysée
(Son dard malin, lui, ce qu'il aime, c'est octroyer des HLM !)
Qui a volé, a volé, a volé l'orange ?
Il restait de la dinde. Enfin une de ses cuisses, rebaptisée « poulet »
Mais couteau ni fourchette n'ont pu la défibrer…
De tièdes courgettes à l'eau j'ai donc fait mon repas
Mais j'ai pu éplucher, sous les dents du couteau
L'orange, traumatisée par ses heures de cargo…
Patriote
Ici, bien sûr, les murs, sont pas de bétonplutôt de sciure et de papier crépon
J'ai pour voisin un militaire
Nostalgique de toutes les guerres
Il doit avoir toute la série
Des CD relatant l'Algérie
Et d'Amirouche jusqu'à Soustelle
J'connais maint'nant toutes les ficelles
Je pensais mon éducation faite…
Le v'là à Dien Bien Phu, coincé dans la cuvette !
À la clinique sur'ment, cette vieille culotte de peau
Fait refaire son nombril de porteur de drapeau !
Guy F. Blanchard
MMXXII
Lettre d'anciens de l'école technique Berliet Bonjour Hélène, C’est avec tristesse que nous apprenons le décès de ton papa. Nous t’adressons ainsi qu’à ta maman, ta sœur, et à toute ta famille nos sincères condoléances. Affectueuses pensées Ludo, Bernard (Buers), Alex (Neness), Alain , René (Riton), Jacques |
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