« Les Pense-pour-nous, c'était des hommes tellement bons qu'ils étaient des millions de fois meilleurs que n'importe quel autre homme et qu'ils savaient dans le dedans de leur tête tout ce qui était bon pour les autres hommes.
Tenez, par exemple, c'étaient les Pense-pour-nous qui avaient compris les premiers que les pays étrangers étaient pleins de méchants et qui l'avait dit aux autres bons.
De loin en loin, les Pense-pour-nous révélaient que les méchants de tel ou tel pays étrangers étaient devenus subitement encore plus méchants, et il fallait vite aller leur casser la gueule avant qu'ils ne viennent casser la nôtre, marchons, marchons, qu'un sang impur abreuve nos sillons, et ça s'appelait sauver la patrie, et après il y avait un beau défilé, et beaucoup de méchants étaient morts, et aussi beaucoup de bons, ce qui prouve qu'ils n'étaient pas si bons que ça, tout compte fait, et qu'un coup de balai de temps en temps ça ne fait de mal à personne.
Ceux qui reviennent avec une jambe de bois sont un tout petit peu moins bons mais on ne leur fera pas sentir. On va leur donner une médaille à la place, quelle belle journée, comme c'est émouvant, tous les armistices c'est pareil : faut que tu rentres soûl perdu, à bas les méchants, vive les bons, à bas les méchants, vive les bons, à bas les méchants, vive les bons, vive les bons, vive les bons, vive nous » !
Texte et illustration d'après François Cavanna – L'aurore de l'humanité – Belfond – 1984
J’ai trouvé l’exercice de style intéressant… N’ayant rien d’autre à proposer ce matin, je vous en fais profiter… (La pertinence de l’inventaire de tous ces corps étrangers nous fera pardonner à Charline l’inélégante intruse qu’elle a trouvé dans son potage…)
Le week-end dernier, on apprenait que dans plusieurs crèches d'Ile-de-France, les employés ont retrouvé des corps étrangers dans la purée pour les bébés. Ils ont retrouvé des os et des vis dans la bouillie. Un peu comme il y a du plastique dans le poisson, du glyphosate dans nos urines, de l'aluminium dans nos déodorants et de la pub' pour des bagnoles sur France-Inter. On trouve aussi de la gélatine de porc dans les bonbons, de la haine sur des chaînes d'info et ma mamie sur Snapchat. En revanche il n'y a plus de friture sur la ligne, ni de rhinocéros blancs du Nord parce qu'il n'y a plus de ligne et qu'on a perdu le Nord. Heureusement, il y a encore des chevaux, même si parfois ils sont dans la lasagne… Comme le jouet dans le happy Meal, l'ananas sur les pizzas, la crème fraîche dans les carbonara et du beurre dans les épinards (là c'est plus rare). Heureusement, il nous reste Camping 3, Taxi 4 et le mouvement 5 étoiles ! On a aussi retrouvé Xavier Dupont de Ligonnès, mais que dans les journaux… Un terroriste à la Préfecture de Police, un incendie dans une usine chimique et une couille dans le potage… Y a du parabène dans le gel douche et de l'eau dans le gaz… Y a des traces d'allergènes dans les pâtes et des traces de gauche dans Michel Sardou mais toujours aucun signe de moralisation du capitalisme. Y a des enfants d'immigrés au FN, une chroniqueuse d'Ardisson chez les Insoumis, un banquet à l'Élysée et Louis Sarkozy dans la Matinale, mais y a plus de rumba dans l'air ! On déplore qu'il y ait du Bisphénol A dans Sophie la Girafe, une carte de presse dans la poche de Pascal Praud, Christophe Castaner au Ministère de l'Intérieur, et le Ministère de l'Intérieur en boîte de nuit. Cela dit, on a retrouvé la 7e Compagnie.
On a vu aussi Cédric Herrou au tribunal, mais toujours pas Marine Le Pen et puis des écologistes au gouvernement (Mais non ! Je déconne !) Je vous ai eu là… Faut pas pousser quand même ! On a déjà droit à de la politique chez Hanouna et puis des numéros de cirque à l'Assemblée, alors si maintenant on retrouve des traces de shampooing dans les cheveux de Michel Houellebecq et de la dignité dans Manuel Vals, je vous préviens : je suis pas prête ! Voilà ! Je crois bien qu'on a retrouvé nos vieux démons : des Juifs dans la salle, des voiles dans la République et l'Opus Dei chez les cathos. Y a des grèves dans le public, des points dans ta retraite, un contrôleur dans ton chômage mais pas dans ton TER et enfin on a retrouvé des dépouilles de réfugiés dans un camion… Donc, enfin, le seul truc normal à notre époque, c'est Balkany dans une prison…