Sur cette image Google, ça fait moins peur… Mais en zappant sur les chaînes d'info, le 31 décembre vers 23 heures, la vue en plongée sur les Champs-Élysées était impressionnante. La sombre image d'une foule compacte, debout, immobile, silencieuse que l'on devinait solidement encadrée, chichement éclairée par les décorations de Noël prenait des airs de scènes de film-catastrophe… Qu'attendait-elle, cette armée de zombies figée dans la quasi obscurité ? Étaient-ils résignés à un quelconque sort funeste ? Attendaient-ils l'ordre d'un vénéré maître pour déchaîner leur sinistre meute ? Quelle ferveur poussait donc cette gigantesque procession de pénitents à endurer des heures durant la froideur de la nuit ? À quel obscur rite allaient-ils donc se livrer ? Je l'ai appris en “replay”… À 23 heures 59 minutes et 50 secondes, un décompte haletant a dissipé l'angoisse et déclenché la liesse. Dans un jaillissement de feu, le peuple des fourmis a été ébloui d’apprendre que l'on était en l'an 2020 de notre ère et qu'il avait l’insigne privilège d’être à Paris. Sublime, forcément sublime…
C'est par souci d'apaisement que le Mot du Jour ne fait pas aujourd'hui ses choux gras de l'émoi suscité naguère par les « prières de rue »… Ni ne rappelle, le principe de laïcité républicaine qui voudrait cantonner le fait religieux à la sphère privée… après la retransmission intégrale sur les chaînes publiques du rite catholique dédié au salut de l'âme de Jacques Chirac…
« …un déchaînement de violence, d'insultes, une pluie de coups, aucune possibilité de discuter, de la violence, seulement de la violence, aucune écoute, aucun échange : bref, le retour au moyen âge ». Ces paroles, reprises par plusieurs média, auraient pu être celles de Marie Trintignant si elle avait survécu. Mais ce ne sont que les jérémiades de l'homme qui l'a massacrée à coups de poing avant de la laisser agoniser et qui déplore ne pas être reçu sous une pluie de pétales de roses lorsqu'il vient rechercher les bravos de la foule…
En zapounant sur la TNT hier soir, je suis tombé sur une Rencontre de boxe… Et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agissait d’un Championnat du Monde ! Tout d’abord accroché par les imprécations du Bateleeeeeeeeeeeur de service, puis intrigué par les dimensions de l’arêne et les vociférations d’une foule en délire*, je suis resté scotché devant tant de démesure.
La toute première fois que je regarde une rencontre (on ne dit pas « un match » dit-on ?) de bout en bout. Un grand ténébreux, plutôt sympa, était opposé à un petit teigneux arrogant. Qu’est-ce qu’ils se sont mis ! Du grand art : les commentateurs en étaient dithyrambiques tantôt pour l’un, tantôt pour l’autre selon la tournure des évènements. La foule soutenait à pleins poumons les exploits du petit hargneux. Et moi, pas fiérot de jouer les voyeurs devant ces deux types en train de se massacrer consciencieusement (là, le mot n’est peut-être pas tout-à-fait adapté…) je me suis pris à me poser des questions bien incongrues, du genre : — De quelle étoffe sont donc bâtis ces nobles artistes pour que la passion qui les anime soit nourrie du plaisir à cogner sur la figure d’un autre humain jusqu’à ce qu’il s’effondre ? Ou bien, par l’autre bout de la lorgnette : — Quelle plaisir pervers prennent-ils à délibérément venir en prendre plein la tronche jusqu’à épuisement ?
Le grand y a laissé une paupière, l’autre a eu le cuir chevelu fendu. C’est la paupière qui a gagné. À l’annooooooooonce du résultat, la foule tout acquise au cuir chevelu, n’a même pas hué le vainqueur… ce qui prouve que le jugement des arbitres était équitable (sic).
Voilà. C’était, en léger différé depuis Manchester, le championnat du monde des poids légers opposant Anthony (Million) Crolla à Jorge Linarès.
Suite à une observation qui m’a été adressée par mail, je me dois de préciser que les faits relatés ci-dessus sont parfaitement authentiques et vérifiables. Ce billet qui met en scène un grand ténébreux et un petit teigneux ne constitue en aucune manière une quelconque parabole politique. Guy F. B.
* Tiens, la “foule en délire” de La corrida de Gilbert Bécaud me revient spontanément…
Après l'évènement, quand tout aura disparu, sauf le petit village lèche-cul et ses foules comprimées, les bords dudit petit village seront une frontière dont l’autre bord sera… Sera quoi ? Le néant (…) Bonne mine ils auront, les heureux survivants, sur leur motte de terre, flottant dans… Dans quoi ? Dans l’inexistant. N’essayez pas de vous représenter la chose, ce n’est pas à la portée du cerveau humain.
J’en reviens… Il y avait foule comme un vendredi 13 au bar-tabac. Et pourtant… On gagne moins qu’à l’Euro-Million, Il y a moins de favoris qu’au Quinté +, C’est moins culturel que le Loto sportif, C’est moins immédiat qu’un Morpion, C’est moins fréquent que le Rapido, Mais au moins, on a une chance sur deux de gagner !
J’ai joué au Loto politique !
Tirage ce soir à 18 heures sur la radio suisse RTS :