La (pré)histoire du Patriotisme
« Les Pense-pour-nous, c'était des hommes tellement bons qu'ils étaient des millions de fois meilleurs que n'importe quel autre homme et qu'ils savaient dans le dedans de leur tête tout ce qui était bon pour les autres hommes.
Tenez, par exemple, c'étaient les Pense-pour-nous qui avaient compris les premiers que les pays étrangers étaient pleins de méchants et qui l'avait dit aux autres bons.
De loin en loin, les Pense-pour-nous révélaient que les méchants de tel ou tel pays étrangers étaient devenus subitement encore plus méchants, et il fallait vite aller leur casser la gueule avant qu'ils ne viennent casser la nôtre, marchons, marchons, qu'un sang impur abreuve nos sillons, et ça s'appelait sauver la patrie, et après il y avait un beau défilé, et beaucoup de méchants étaient morts, et aussi beaucoup de bons, ce qui prouve qu'ils n'étaient pas si bons que ça, tout compte fait, et qu'un coup de balai de temps en temps ça ne fait de mal à personne.
Ceux qui reviennent avec une jambe de bois sont un tout petit peu moins bons mais on ne leur fera pas sentir. On va leur donner une médaille à la place, quelle belle journée, comme c'est émouvant, tous les armistices c'est pareil : faut que tu rentres soûl perdu, à bas les méchants, vive les bons, à bas les méchants, vive les bons, à bas les méchants, vive les bons, vive les bons, vive les bons, vive nous » !
Texte et illustration d'après François Cavanna
– L'aurore de l'humanité – Belfond – 1984
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