Pour ne pas me laisser contaminer par l'incessant « psychotage » radiophonique, j'ai mis France Inter en quarantaine. Mais il y a un maillon faible dans mon dispositif : le récepteur de la salle de bains. C'est grâce à cette lacune que j'ai pu, hier, me refaire un moral et me polir l'indignation avec cette saine colère de Coline Serreau.
C’est la honte ! C’est l’infamie ! La France ridiculisée, la France humiliée ! Si mon Mot du jour prend aujourd’hui les accents d’une page de l’Équipe c’est pour faire partager une indignation bien légitime :
De retour de Géorgie cela fait 1216 minutes que Karim Benzema n’a marqué aucun but !
Faudra-t-il donc que je complète mon système de mesures par une nouvelle unité de temps : « L’entre-buts de Benzéma » ? Il n’est que grand temps de conjurer le mauvais sort et j’en appelle à Mgr Vingt-Trois. Monseigneur, faites quelque chose, nous vous en conjurons ! Voyez votre confrère, le curé de Maranello : le saint homme n’hésite pas à exhorter à la prière, à implorer le Tout-Puissant et même à bénir les bolides pour assurer la victoire de Ferrari à Monza !
Une journée qui avait pourtant commencé dans l’indignation et sous le signe d’un pessimisme désabusé…
On m’apprend au réveil que depuis l’explosion de Fukushima des centaines de m3 d’eau contaminée se déversent chaque jour dans l’océan… Et que l’on compte sur les courants du Pacifique… et sur les progrès de l’industrie agro-alimentaire du Japon pour continuer à exploiter les produits de la pêche…
Et puis, sur le chemin du marché bistrot, ce roseau se jouant des agglos, du goudron, de la sécheresse m’a rendu mon bel optimisme !
Oh, comme j’aimerais revoir la planète cinquante ans après la disparition de l’humanité !
Au détour d’un journal télévisé, j’ai appris qu’un match de football suffisamment important pour qu’on l’annonce à la télévision nationale française devait prochainement opposer Barcelone à Madrid. Le journaliste de service profite de la transition qui lui est offerte pour enchainer avec l’antienne de la dette nationale espagnole, la contagion à la France, le naufrage de l’Europe, et tutti quanti. Parmi la litanie de milliasses d’euros qu’il est alors amené à égrener, et sans doute pour la rendre plus accessible à notre compréhension de gagne-petit, il en vient à citer les abyssales dettes, fiscales, entre autres,…
… du Barça, club de Barcelone et du Real, club de Madrid.
J’ai cru comprendre que les deux clubs réunis trainaient une ardoise dépassant le demi-milliard d’euros. J’espère tout de même qu’il reste à ces deux clubs de luxe de quoi verser leurs salaires à leurs glorieux joueurs. Les supporters ibériques, si prompts à s’indigner, trouveront sans doute quelques compensations à leur régime de rigueur en regardant quelques multimillionnaires jouer au ballon. Il est vrai que le peuple espagnol avait peut être épuisé sa réserve d’indignation à dénoncer les 37 000 Euros dépensés indûment par leur infâme souverain pour une indigne chasse au pachyderme.
C’est pas chez nous qu’on verrait ça !
Gilbert Laffaille – Le Président et l'éléphant (1977)