Va savoir pourquoi, mystère des synapses, cette image de Google Actualité m'a remis Totor en tête ? Ah si… Peut être la valise au premier plan ?…
Ruy Blas Acte 3, Scène 2 (extrait)
Ruy Blas, survenant. Bon appétit ! messieurs ! — Tous se retournent. Silence de surprise et d’inquiétude. Ruy Blas se couvre, croise les bras, et poursuit en les regardant en face. Ô ministres intègres ! Conseillers vertueux ! Voilà votre façon De servir, serviteurs qui pillez la maison ! Donc vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure, L’heure sombre où l’Espagne agonisante pleure ! Donc vous n’avez pas ici d’autres intérêts Que remplir votre poche et vous enfuir après ! Soyez flétris, devant votre pays qui tombe, Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !
Il y a quelques temps déjà, je me suis livré à une compilation de l'œuvre de San-Antonio, me surprenant moi-même du nombre d’occasions qui m’étaient données de m’exclamer in-petto : « J’aurais pu dire ça ! », « Ça, c’est du vécu ! », « Que n’ai-je pas le talent d’écrire ça ? ». Ou encore, parodiant la Mère Denis « Ah ben ça, c’est ben vrai, ça ! ». Aujourd'hui, une collision d'actualités (La guéguerre de deux archi-milliardaires pour envoyer une mémère dans l'espace et la famine à Madagascar) à ravivé ma mémoire .
« …ça me fait penser au jumelage de nos villes avec des villes étrangères. L’idée est bonne en soi (…) mais mal employée car on se marie toujours avec des bleds prospères. Ça tourne tout de suite au banquet, à l’échange de fanions, à la balade organisée. C’est bourgeois, c’est peinard, c’est inutile. On chique au rapprochement des peuples. On serre sur son cœur le bourgmestre de telle ville allemande qui, naguère, dirigeait la Gestapo et on en frissonne d’émotion. Mais à quoi ça rime, dans le fond ? C’est du tourisme sentimental, rien de plus. Ce que je suggère, car ce serait efficace, c’est qu’on se jumelle avec des patelins sous-développés. Au lieu de leur cloquer des fanions on leur donnerait du lait condensé, ça aurait une autre allure. Y a plein de lardons étiques qui sont près à appeler maman un tube de lait Nestlé, songez-y, bon Dieu ! Pour lors, le jumelage voudrait dire quelque chose. Au lieu de dodus Allemands, des proprets Scandinaves, des pittoresques Écossais, on hébergerait des Hindous sans calories, des Sud-Américains anémiés, des Africains scrofuleux. (…) Pour ma part, je suis prêt à me jumeler avec Calcutta ou Caracas. Je commence à avoir singulièrement honte de notre prospérité occidentale, pas vous ? »
Bon appétit ! messieurs ! Ô ministres intègres ! Conseillers vertueux ! voilà votre façon De servir, serviteurs qui pillez la maison ! Donc vous n'avez pas honte et vous choisissez l'heure, L'heure sombre où l'Espagne agonisante pleure ! Donc vous n'avez ici pas d'autres intérêts Que d'emplir votre poche et vous enfuir après ! Soyez flétris, devant votre pays qui tombe, Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe ! […]
Capture d'écran facebook d'un post de Christophe Leroy & tirade de Ruy Blas (Acte III, Scène 2) – Victor Hugo, 1838
France Inter, par la voix de Tanguy Pastureau, en remet une couche
Aujourd’hui, je laisse à San-Antonio, alias Frédéric Dard (1921-2000), le soin de commenter l’actualité :
« C’est l’heure de la bavasse sur les chaînes. Le moment que des messieurs hautement qualifiés viennent s’apporter des contradictions mutuelles en ayant l’impression de sauver le monde ».
« Dis bonjour à la dame » — Fleuve noir — 1975
Au plus que ça change, au plus que c’est pareil ! (Vieille sagesse populaire)