Et si qu’on en causait ?
Au jour d’aujourd’hui en fait au niveau de l’oralité, se pose la problématique de l’usage envahisseur du langage pédant. En même temps, je ne suis pas le seul que ça met en boule !
« La question n’est pas de savoir si l’expression « au jour d’aujourd’hui » est du bon français. Bon français ou pas, il faut très vite enrayer la propagation de ce qui est en train de devenir un dangereux tic de langage. « Au jour d’aujourd’hui » répété douze fois dans une conversation peut très bien déclencher d’irrésistibles envies de meurtre.
Expliquons d’abord gentiment aux usagers du « jour d’aujourd’hui » que ce n’est pas parce qu’ils expriment trois fois de suite la notion de « jour » d’entrée de phrase que ce qui suit est d’une incontestable intelligence. On comprend bien qu’ils appuient violemment sur le fait que ce dont ils parlent concerne cette belle journée et pas une autre. (…)
Contrairement à ce que pense le plouc, qui trouve très chic de se mettre le plus de mots possible dans la bouche, « au jour d’aujourd’hui » ne renforce pas l’importance de son propos, mais sa vacuité. Le lourdaud va se moquer de bon cœur du débit grotesque d’un bègue, alors que lui-même, avec son « jour d’aujourd’hui », aura répété trois fois « jour ». À celui qui vous martèle le « jour d’aujourd’hui » demandez ce qu’il pense d’une situation au jour du lendemain d’aujourd’hui.
Bon, d’accord, c’est mal de se moquer. Mais, en même temps, il est assez peu probable que quelqu’un qui dit « au jour d’aujourd’hui » sans savoir pourquoi s’offusque du fait que vous évoquiez le jour du lendemain d’aujourd’hui. Il est même susceptible de prendre votre blague au sérieux et de populariser votre expression foireuse.
Sous l’Ancien Régime, l’andouille faisait des moulinets avec son chapeau à plume pour se faire remarquer, sous Hollande, il fait des moulinets avec les « jours ».
Extrait de « La fatwa de la semaine » de Charb
Charlie-Hebdo – 28 août 2013
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