Je n’y avais laissé que ma chemise…
« Avant, pour ouvrir une boîte de sardines, on prenait une clé, une clé à sardines. On posait la boîte bien à plat sur la table, on introduisait dans l’encoche de la clé la languette de métal qui dépasse du couvercle, et on tournait. Le couvercle s’enroulait autour de la clé comme un rideau de théâtre et les sardines apparaissaient dans leur splendeur.
On les mangeait avec une tartine de beurre. C’était le bonheur.
Aujourd’hui, on a l’ouvre-boîte intégré. Il a été inventé pour les astronautes. Parce que, quand on se trouve sur la lune avec une boîte de sardines, si on a oublié son ouvre-boîte, on est mal pris. On peut mourir de faim.
Avec l’ouvre-boîte intégré, ça parait plus facile d’ouvrir la boîte. On tire sur un anneau, le couvercle se soulève facilement. Le début, c’est bien ; la fin, c’est une autre histoire. C’est très difficile de détacher le couvercle de la boîte, il faut tirer très fort, il ne vient pas, vous tirez de plus en plus fort, enfin il vient. L’huile avec.
Je regarde la grosse tache sur mon pantalon. Je déteste le progrès. Je n’ai plus envie de vivre avec mon temps. Quand j’irai sur la lune, j’emporterai ma clé à sardines ».
… Jean-Louis Fournier y a laissé un pantalon !
« Ça m’agace » – Éditions Anne Carrère – 2012
Cet article a été ajouté à la version livre (en pdf) de ► Le Designer fou a encore frappé
dans À table/Conditionnements.
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