Extrait de mes pages choisies
Une bouffée d’enfance au détour d’un roman que d’aucuns qualifieraient de « sous-littérature »… Je fais partager cette page à tous mes copains « Yonnais ».
Collonges – Juillet 1950
« Ils prenaient le premier tramway où d’autres pêcheurs se trouvaient déjà, chargés de tout un barda. La somnolence était générale en ce dimanche matin, malgré les premières cigarettes et les haleines chargées d’odeurs de rhum. Le lourd véhicule ferraillait, bourdonnait, éclatait par instants en grêles sonneries qui ressemblaient à une gerbe d’étincelles sonores (pensait le petit garçon). Les voyageurs dodelinaient. Leur attirail sentait le poisson de la dernière sortie et il restait même des écailles séchées dans les mailles des épuisettes.
Une fois sur le quai de Saône, on prenait le train bleu, qui ne ressemblait plus tout à fait à un tramway, malgré son trolley, et pas non plus à un vrai train. Il se composait de trois ou quatre voitures qui remontaient la rive gauche de la rivière.
Le jour se levait en cours de trajet. Les vieux immeubles des bords de Saône se dégageaient lentement de la grisaille, leurs toits commençaient à flamber et pendant un instant, Lyon se mettait à ressembler à la Toscane.
On arrivait à l’île Barbe… Le vieux pont suspendu dansait sous ses pas. Une fois dans l’île, il fallait chercher la bonne place. Il faisait frais. Des poissons sautaient hors de l’eau si vite que l’on doutait d’eux malgré les cercles concentriques qui s’étalaient. Le père « engrenait » le coup, c'est-à-dire qu’il lançait à poignées des céréales cuites : blé ou chènevis, afin d’attirer les perches et les ablettes. Le petit garçon restait sceptique, estimant que leur fournir de la nourriture à gogo diminuait les chances de les voir mordre à l’appât. Il commençait à s’ennuyer ».
in « Faut-il tuer les petits garçons qui ont les mains sur les hanches ? », San-Antonio -1984
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