– Et vous ? Vous ferez-vous dépister ? – Oui : Juste avant les fêtes, pour être sûre de pas contaminer mes proches… Comme on a la famille à la maison… – Et si, en sortant du Labo, vous prenez l'ascenseur dans lequel un Coronavirusé vient juste d'éternuer façon Tchernobyl… – Mais j'ai mon masque ! – Sous le nez ? - Ben ouais. Déjà qu’on peut pus rien faire ! Y vont pas nous empêcher de respirer en plus !
La ville aura changé plusieurs fois de contenu humain. On ne se souviendra même plus des gens qui se souvenaient encore des gens qui se souvenaient encore de moi. Les enfants de mes enfants auront eu des enfants qui se seront reproduits et ce sera cette génération qui alors vivra. Je vous parle d'un futur dont je me fous, dont je ne sais même pas s'il sera jamais mais je ne peux m'empêcher d'imaginer la gueule de cet univers lorsque j'en serai défalqué. Pour le moment, je peux encore voir, entendre et mes doigts sont assez agiles pour manipuler une tablette. Je fouille mon nuage internet. Je longe mon passé vécu avec tant de désinvolture qu'il n'a parfois laissé aucune empreinte dans mon cerveau. Il repose tout entier dans cette mémoire extérieure qui me survivra. Un passé vécu nonchalamment en crachant à la gueule de l'avenir. À présent, sur l'écran, je le traverse comme un touriste, visitant des jours d'autrefois oubliés d'avoir été vécus du bout des lèvres. Mon nuage est plus lourd que mon cerveau éphémère. J'ai traversé en somnambule les instants qui m'étaient dévolus. Je n'ai pas pris la peine de regarder, d'écouter, de respirer le temps à pleins poumons, d'essayer de le retenir pour en tirer la quintessence comme d'une bouffée de haschich.