À force de m'étonner des bizarreries de l'expression écrite des divers rubriquiers de Var-matin je finis par admettre qu'ils ont tous eu le même professeur à l'École de Rédacteurs de Var-Mat'. Sans doute un rescapé de l'OuLiPo, Promotion Francis Blanche, Section Signé Furax… Encore un effort, les gars, vous aurez droit à la mention « San-Antonio », mais va falloir vous surveiller !
« Ayoub n'est pas venu au tribunal correctionnel pour convoler en justes noces mais pour assister au procès de ses agresseurs. Quatre prévenus tirés à autant d'épingles qui sont, selon le ministère public, à l'origine de ses lésions cérébrales irréversibles ».
Dans le temps, on l'appelait « l'homme de la rue »… Ça désignait Monsieur Tout-le-monde, un gus, un mec, un zig moyen, un péquin lambda, voire un minus habens… Aujourd'hui, ce gonze, que je qualifierais de « cible privilégiée des micros-trottoirs », se caractérise, entre autres, par l'indigence de son vocabulaire… Et pourtant… Les gens de média qui le pourchassent en font un maximum pour l'élever dans la pratique de la nov-langue pseudo savante de l'époque… Ainsi, l'autre matin, on nous parlait dans le poste de : « la nécessité d'une structure pour déconstruire et sublimer cette problématique dans l'immédiateté… »
Mais qu'est-ce qu’elle nous baragouine, cette intello matutinale, égarée sur une radio généraliste ?
On n’en pige pas une broque ! Moi, je vous le bonis recta : je kiffe plus la jactance de la strass chère à Carco, Audiard ou San-Antonio qui, pour vertement imagée qu'elle soit, permet au moins d'entraver de quoi qu'on cause !
« Dans la politique, t’as de la ressource. (…) L’essentiel c’est de bien savoir sucer la bonne roue ou le bon paf. Pas se laisser décrocher. En être coûte que coûte. Brandir la flamberge si tu manques de gamberge, mais te montrer (…) Faut s’agiter, d’un sens ou l’autre, mais créer du bouillonnement. Le vrai politicien, c’est un comprimé effervescent. Il mousse, il pétille, il fait roter. La politique, c’est le côté gazeux de la nation : sa limonade, son champagne, ses pets ».
Après toute la semaine dernière passée en compagnie d'un sale type,
Restons encore un peu chez les méchants…
Chez un marchand de pianos
« Généralement, les locaux de ce commerçant sont plus vastes que ceux d’une mercière ou d’un cordonnier. Et ce qui frappe, lorsqu’on y pénètre, ce sont justement les pianos. Cet instrument dont si peu de gens savent se servir et que tant et tant possèdent, hélas, n’a pas intérêt à vivre en troupeau. Seul, il a une présence éloquente. Le silence qui l’environne est encore de lui, comme disait l’autre à propos de Mozart. Mais en nombre, il devient barbare. As-tu été poursuivi par une horde de pianos affamés dans ces immenses locaux où tremblent constamment des accords que les femmes de ménage ne parviennent pas à évacuer ? La mâchoire béante, les dents belliqueuses, le ventre gargouilleur, ils te cernent, ces salauds. Les noirs sont les plus mauvais. Surtout les demi-queues, j’ai remarqué. Mais ne crois pas que les blancs soient de tout repos. Oh que non. Il y en a un qui m’a mordu la main, un jour, alors que je m’apprêtais à le caresser et j’en porte encore la marque. On l’a envoyé à l’Institut Pasteur, des fois qu’il aurait la rage. Mais non, simplement il était teigneux, viceloque. Craoum ! Le happement fulgurant. Tu vois cette cicatrice blanche, là, sur le tranchant de la main. Eh bien, c’était ce piano droit de chiasse ! Il ne disait rien. Il ressemblait à une coiffeuse laquée. Je passe, la main pendante : craoutch ! Salaud ! Si j’ai un conseil à te donner, munis-toi d’une belle contondance pour visiter le hall du piano t’approche jamais des queues, ces baleines qui peuvent t’envoyer à dache d’un frétillement. Ou bien t’écraser de leur couvercle. Te collimater entre leurs cordes tentaculaires. Et puis te dévorer à pleines ratiches… Et dis-donc, pardon, tu sais la denture du monstre ? Cinquante-deux ratiches blanches, trente-six noires, chapeau ! Tu parles d’un crocodile ! »
San-Antonio in « Vol au-dessus d’un nid de cocus » 1978
C'est la troisième semaine consécutive que nous passons en compagnie de Victor Hugo et de Georges Brassens… Excusez du peu ! Et voilà que, anticipant la saint Eloi, un troisième orfèvre en matière de mots vient compléter cet aréopage.
En 1980, Frédéric Dard mettait dans la bouche de San-Antonio cette bien peu modeste profession de foi : « Car enfin, la grande fondamentale différence, c’est que moi, je peux écrire comme eux [les écrivains académiques tels qu’André Gide] tout en répondant au téléphone et en trempant mon croissant dans mon café-crème, alors qu’eux, les tout sérieux, les blêmes, les grisâtres solennels ne seraient pas fichus d’écrire comme moi. Voilà, tu vois ? Ça oui, c’est de l’orgueil. Mais bien placé ».
In « Baise-ball à la Baule »
Pour ma part, je prêterais volontiers cette déclaration à Tonton Georges car enfin, j'imagine mal le pair Hugo se laisser aller à pareille gaudriole :
Il y a quelques temps déjà, je me suis livré à une compilation de l'œuvre de San-Antonio, me surprenant moi-même du nombre d’occasions qui m’étaient données de m’exclamer in-petto : « J’aurais pu dire ça ! », « Ça, c’est du vécu ! », « Que n’ai-je pas le talent d’écrire ça ? ». Ou encore, parodiant la Mère Denis « Ah ben ça, c’est ben vrai, ça ! ». Aujourd'hui, une collision d'actualités (La guéguerre de deux archi-milliardaires pour envoyer une mémère dans l'espace et la famine à Madagascar) à ravivé ma mémoire .
« …ça me fait penser au jumelage de nos villes avec des villes étrangères. L’idée est bonne en soi (…) mais mal employée car on se marie toujours avec des bleds prospères. Ça tourne tout de suite au banquet, à l’échange de fanions, à la balade organisée. C’est bourgeois, c’est peinard, c’est inutile. On chique au rapprochement des peuples. On serre sur son cœur le bourgmestre de telle ville allemande qui, naguère, dirigeait la Gestapo et on en frissonne d’émotion. Mais à quoi ça rime, dans le fond ? C’est du tourisme sentimental, rien de plus. Ce que je suggère, car ce serait efficace, c’est qu’on se jumelle avec des patelins sous-développés. Au lieu de leur cloquer des fanions on leur donnerait du lait condensé, ça aurait une autre allure. Y a plein de lardons étiques qui sont près à appeler maman un tube de lait Nestlé, songez-y, bon Dieu ! Pour lors, le jumelage voudrait dire quelque chose. Au lieu de dodus Allemands, des proprets Scandinaves, des pittoresques Écossais, on hébergerait des Hindous sans calories, des Sud-Américains anémiés, des Africains scrofuleux. (…) Pour ma part, je suis prêt à me jumeler avec Calcutta ou Caracas. Je commence à avoir singulièrement honte de notre prospérité occidentale, pas vous ? »
Une citation de circonstance pour passer le Grand oral
« Le ballon ! La plus importante invention de l’homme. Fallait trouver la boule, c'est-à-dire la chose inerte prête à se déplacer à la plus légère sollicitation. Sans ballon, l’homme n’aurait pas survécu longtemps. Il se serait fait chier à crever, et il serait mort. Tu imagines l’Univers sans football, sans rugby, sans tennis, sans basket, sans boulodrome ? J’en frémis ».
Au prétexte qu'elles ne sont plus toutes jeunes, on voudrait que je sacrifie mes confortables charentaises sur l'autel de l'élégance !… Non mais ! Ce serait folie… Quand un connait la renommée acquise par Diderot grâce a sa vieille roupane !
« Pourquoi ne l’avoir pas gardée ? Elle était faite à moi ; j’étais fait à elle.[…] Un livre était-il couvert de poussière, un de ses pans s’offrait à l’essuyer. L’encre épaissie refusait-elle de couler de ma plume, elle présentait le flanc. On y voyait tracés en longues raies noires les fréquents services qu’elle m’avait rendus. Ces longues raies annonçaient le littérateur, l’écrivain, l’homme qui travaille. À présent, j’ai l’air d’un riche fainéant ; on ne sait qui je suis ».
Souvenir indélébile du temps des dictées /questions quotidiennes de M. Gaudillère, maître du CM2 à l’École publique de la rue Tissot à Lyon.
« Y a des trucs comme ça qui nous reviennent ; on se demande pourquoi. Oui, bien pourquoi les insignifiances des jours se refusent à naufrager dans nos mémoires. Pourquoi elles restent collées au talon des souvenirs comme des chewing-gum…»
Puisqu'hier, on était au bistrot, aujourd’hui, je remets la mienne !
« C’est un café comme les ultimes meurent. Une façade en bois vermoulu. Un bout de terrasse cernée par des fusains en caisse dépeinte. Du papier peint décoloré sur les murs. Des tables en bois cirées par l’usage prolongé. Une odeur de vinasse et de sciure mouillée. Et puis un patron en tricot déchiré, blanc de paresse et pas rasé, qui lit le Dauphiné Libéré derrière un rade de cuivre. Autour de moi, il y de gentils Savoyards qui causent avec leur bel accent où le suffixe « in » remplace la préposition « en ». C’est jour de marché, le vin blanc coule à flots. Des bérets basques assurent la liaison Alpes-Pyrénées. Des casquettes paysannes qu’on ne quitte que lorsque l’on vient d’en acheter une autre, masquent de leur visière brillante d’usure des regards enfoncés, plein d’une gentillesse malicieuse… ».
San-Antonio In « Concerto pour porte-jarretelles » – 1976
Une grue géante de 75 mètres de haut a été installée le 16 décembre sur le côté sud qui longe la Seine.
Coucou, la revoilou…
Sans doute un effet de la poussée de ferveur suscitée par Noël, v'la Notre-Dame de retour sur les écrans de télévision… Les débats ne manquent pas. Démontage, déblaiement, reconstruction… sous quelle forme ?… à quelle date ? Il y a un quart de siècle (déjà !) je partageais l'avis de Frédéric Dard sur la question :
« Dieu n’a nul besoin de fastes, et cependant (d’oreilles) les hommes s’ingénient à Lui bâtir des édifices rivalisant de grandeur et de pompe, oubliant que les premiers offices se déroulaient dans des lieux très modestes. La plus immense des cathédrales, la plus gigantesque des mosquées n’assurent pas la gloire du Tout-Puissant. Lui, Il a la voûte céleste, la lumière du soleil, les chaînes montagneuses en guise de colonnes du temple. De l’étable de Bethléem à Saint-Pierre de Rome, que de malentendus entre Lui et nous ! »
In « Turlute gratos les jours fériés », 1993
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AMDG.– Ad maiorem Dei gloriam (« Pour une plus grande gloire de Dieu »), est la devise des membres de la Compagnie de Jésus autrement dit les Jésuites.
En panne d'inspiration… Tout est calme au Var-West… Balkaniaiseries et Mélenchonnades ont été vingt fois ressassées sur tous les média… Je dois me résoudre à aller chercher le Mot du Jour dans ma vieille réserve de citations…
Aujourd'hui, ce sera donc Vocabulaire avec un néologisme d'une logique évidente…
« Je ralentis en passant devant un magasin de prêt-à-ôter féminin »…
…parce que je me rends bien compte que j'en abuse et que, à l'instar de San-Antonio…
« …je suis un suspensionniste spontané. Dès que l’on m’enseigna, à l’école, les règles mouvantes de la ponctuation, je reconnus le point suspensif ! Il était déjà en moi ! À travers le fourmillement des virgules, des points-virgules et autre points en tout genre, je fus subjugué par ces trois petites crottes de mouche en ligne. C’est le refuge de l’inexprimable ! Le point de suspension, c’est ce qui vous reste à dire quand vous avez tout dit, donc l’essentiel ! »
Est-ce dans Var-Matin; est-ce dans Paris-Match; est-ce sur Google Actualités ? Je ne sais plus dans quel organe d'opinion j'ai pêché cette information capitale : « Le Président Macron se perd en conjectures(1) sur la forme à donner à son allocution de Vœux aux Français ». — Tout seul ou avec sa femme et son chien ? — Depuis la Bibliothèque, comme de Gaulle ? — Au pupitre, comme Jacques Chirac ? — Ou au coin du feu, comme Giscard ?
Un conseil Manu : Te casse pas trop la nénette(1) !…
Du moins selon San-Antonio, illustré ici par Vuillemin(2). « Il surveille tout, ne rit jamais et écoute les discours des ivrognes comme s’il s’agissait des vœux du président de la République ».
San-Antonio in « Y en avait dans les pâtes » 1992
(1) Expressions contemporaines de la poudre de perlinpinpin, de l'antienne et du galimatias. (2) Un autre référent du Mot du Jour
Après l'inénarrable Jean-Pierre Pernaut et l'impayable Var-Matin, c'est au tour de Paris Match de rejoindre le club des fournisseurs officiels du Mot du Jour. Jusqu'à ce jour, c'est surtout le choc de ses photos qui lui avait valut quelques citations… Aujourd'hui, je ne peux résister au poids de ses mots. Il faut dire que le rédacteur de cet article a su créer une ambiance à la San-Antonio, à la fois anxiogène et décontractée :
« La revoilà, six mois plus tard, à crapahuter à plus de 300 kilomètres au nord du cercle polaire…
La nouvelle globe-trotteuse à pris sa valise rouge pour le grand Nord.
L'exploratrice débarque au milieu de la forêt boréale. Elle a déniché un gîte au dernier moment, dans une zone où il n'est pas rare de croiser des gloutons et des renards roux. Il est 17 heures et le soleil est couché depuis longtemps;
“Un décor de film d'horreur, on va se faire égorger” se marre-t-elle…
Devant la “réception” apparaît justement une mine patibulaire, sous une chapka. Joss, le patron à l'œil de verre, l'accueille tandis qu'un énorme berger allemand saute dans le coffre de sa voiture !
Bonnet solidement vissé sur la tête, la fille de militaire, élevée à la dure dans les Vosges, retrouve ses réflexes d'adolescente. Elle met trois bûches dans la cheminée.
Nichée au bord d'un lac, sa cabane rouge, tout en rondins, est aussi coquette à l'extérieur que chaleureuse à l'intérieur.
“Y a même un sauna !” s'exclame Ségolène en quête d'authenticité ».
Rendons à Paris Match sa couverture d'origine et son texte à peine écorné à @erichacquemand à qui je prête le même esprit goguenard que le mien lorsqu'il écrit : « Quand est-ce que je pourrai en voir une ? demande-t-elle… Dans cette région située à quelques centaines de kilomètres au nord du cercle polaire, le feu d'artifice des aurores boréales est visible presque chaque nuit de septembre à avril… »