Une tranche de vie (passée au scanner)
Dans la vie il est des passages obligés. De ces moments désagréables, sans échappatoire, qu’il nous faut traverser en état d’apnée mentale.
Ce mardi, le couloir d’attente du service d’imagerie médicale affiche complet.
Pas un Paris-Match, pas un Elle, pas un Gala pour tuer le temps. Peut-être par mesure d’hygiène, on les a remplacés par un écran plat.
C’est l’heure imbécile et fatale où une escouade de post-ados sont conviés à jouer les Machiavel sous les perverses instructions de Benjamin, leur maître à penser.
Ce sont d’abord de longs plans américains statiques sur des vamps de pacotille qui, tantôt tragédiennes, tantôt femmes fatales, viennent nous susurrer leur confidences. Cela nécessite parfois une version sous-titrée. Merci « la prod’ » de décoder un langage par trop novateur pour le profane…
Puis viennent de fausses confidences en aparté, chuchotées dans des couloirs ombreux ou n’importe quel recoin suggestif. Salle de bains ou vestiaire où trainent négligemment quelque lingerie féminine semblent favoriser ces échanges que l’on devine croustillants. Pas de son, peu d’image. Poursuite d’un grand moment télévisuel !
Retour au salon. Les pin-up ont eu le temps de revêtir leurs panoplies de travail. S’engagent alors des discussions philosophiques avec les mâles langoureusement vautrés sur les sofas.
Quand la tension psychologique se fait trop forte une Voix venue de nulle part vient vénalement suggérer quelque jeu de colonie de vacances revu à la sauce « photo de charme ». Le « Sexy ménage », une espèce de gaudriole burlesque à mi chemin de la corvée des « Bidasses en folie » et des ébats de « Car Wash » constitue l’apogée télévisuel de cet épisode raffiné et de bon goût.
Un mot sur la distribution. Qu’ils soient Fanny, Capucine, Audrey, Thomas, Kevin, Yoann ou Caroline, tous les comédiens réalisent une performance de naturel. Composer avec autant d’aisance ces rôles de décérébrés lymphatiques ou de demeurés caractériels dénote un travail de longue haleine sur les personnages qu’ils incarnent. Je n’en dirais pas autant de Benjamin, le Monsieur Loyal de tout ce cirque qui, a contrario, s’efforce outrageusement à paraître l’élément cultivé de la troupe.
J’en étais à suivre les judicieux conseils du docte Benjamin venu détailler la meilleure procédure pour se faire plumer en appels surtaxés lorsque est arrivé mon tour d’aller me faire découper le squelette en rondelles…
Pour tout vous dire, sachez que la télé de l’hôpital était réglée sur cette chaîne qui a été naguère privatisée au nom du « mieux disant culturel » et que j’avais rendez-vous à 18 h 15…
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