Au bistrot, toujours !
Du vécu…
Il y a 55 ans déjà… Monsieur Brun passe son premier soir de Noël sur l'Ile du Levant.
Solitaire et désargenté, je me décide tout de même à répondre à l’appel des sirènes (plutôt des tritons en l’occurrence). Ce doux chant se manifeste sous forme d’un brouhaha d’aboiements qui s’échappent du bar du « Minimum ». Quand je serai familiarisé à la culture méridionale je comprendrai que ces agressives interpellations inarticulées sont la marque d’une solide fraternité de comptoir. Un des premiers éléments de langage que j’ai acquis là est le célèbre « Oua con ! » pour marquer la surprise ou l’admiration voire le summum de la compassion.
Et quand la surprise cède le pas à la stupéfaction, il n’y a plus de mot et c’est le grand silence… Oui, c’est le grand silence qui m’accueille quand je pousse la porte du bistrot. Et une douze-quinzaine de trognes patibulaires me crucifient du regard. Il y a là toute la population laborieuse de l’ile. Tous de forts escogriffes hirsutes et revêtus de leurs plus beaux atours, des jeans graisseux, des treillis déchirés, des bleus encore tout croûtés de la gâchée. Je ne suis pas familier du bar, et sans doute même inconnu de la plupart de ces apôtres qui préparent l’arrivée du Nouveau-né en « faisant l’apéro ».
Le moment est impressionnant et c’est vraiment pour ne pas « perdre la figure » que j’ose entrer.
Ce fut un grand moment de mon initiation : ma toute première « soupe de pastis ». À vingt-deux ans à peine, en ce temps-là on n’avait pas encore acquis l’endurance… À toi, à moi… À toi, à moi… puis… À moi, au ficus… À moi, au caoutchouc… Les plantes vertes n’en étaient pas à leur première soupe de pastis et elles l’ont bien supportée, elles ! (Me souviens même plus si mes maigres finances m’avaient permis de remettre la mienne plus d’une fois…)
Par la suite, j'ai conforté mon initiation en autodidacte !
Carte postale détournée
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