Quand faut y aller, faut y aller…
Un passage obligé
L'assistante administrative du cabinet de stomatologie se perdait dans les méandres du calcul des taux de prise en charge des honoraires par la société d'assurance mutuelle complémentaire. Traduisez : la secrétaire du dentiste ne pigeait rien aux accords de la mutuelle et ne savait pas trop de combien elle devait soulager ma carte bancaire…
Ainsi donc Peggy (c'est son nom, tous les parents ne regardaient pas le Muppet Show dans les années 80…), après d'infructueuses recherches dans la liasse de documents ésotériques reçus de la Mutuelle, se résolut à m'envoyer en première ligne affronter le minotaure administratif directement au siège de son labyrinthe.
Passons sur les informations contradictoires sur les horaires d'ouverture affichés sur Internet et venons en directement à ma visite dans ce cocon feutré rempli de plantes vertes et de verre dépoli. Je venai tout caparaçonné de bonnes résolutions de patience, de compréhension et de sourire inamovible. Bien m'en a pris… Depuis Jacques Brel, on ne dit plus « Au suivant ! » mais une voix sortie des frondaisons tropicales végétant dans le hall d'entrée vous invite à poursuivre d'un affable « Personne suivante… ! »
Les « hôtesses » (on doit sûrement dire comme ça ?) sont tapies chacune dans son alvéole de paravents dont la partie vitrée a été tapissée de Vénilia opaque au motif de bambous assortis aux plantes ornementales. Cosy… La mienne ne répond pas aux critères habituels de la profession. Ses rondeurs juvéniles ne sont pas dissimulées dans les plis d'une robe comme on en voit dans Cosmo, mais contenues dans un fourreau élastique… Enfin… l'élasticité a ses limites… Elle ne porte pas de lunettes griffées et n'est pas non plus fardée comme une « Desperate housewife ». Sans doute une intérimaire en ce début septembre où les forces de conseil ne sont pas toutes rentrées de vacances. Bingo !
Quand je lui explique que mon dentiste ne comprend pas la simulation de remboursement proposée par son organisme et que c'est là la raison de ma visite, elle a la franchise de m'avouer tout de go : « Moi non plus ! ». Après s'être donné une contenance en farfouillant dans une pile d'imprimés rébarbatifs, elle disparait en coulisse prendre l'avis de sa collègue. Je passe un bon quart d'heure à m'intéresser par le détail aux démêlés de ma voisine de box avec les compagnies d'ambulances… Heureusement que le Vénilia est là, sans doute pour préserver la confidentialité…
Retour de ma « conseillère », un peu détendue, venant me demander si les travaux du dentiste concernent une prothèse provisoire ou définitive… Je lui adresse un large sourire pour découvrir mon clavier inférieur flambant neuf et lui avouer mon ignorance puis je lui conseille d'appeler directement le praticien. Un court moment d'hésitation, puis Peggy lui précise le cas.
Ma pauvre Betty Boop (elle en a la silhouette) tapote un peu son ordi puis essaie vainement de téléphoner à sa hiérarchie. Les lignes intérieures ne répondant pas plus que leur numéro public testé la veille, Betty rassemble les documents, tire vainement sur sa jupette et monte voir sa cheffe, m'abandonnant encore à la contemplation des multiples conseils de santé préventifs qui tapissent les paravents.
Ça s'agite dans les alvéoles à côté… Ça bougonne même un peu… Je crois saisir un « mais qu'est-ce qu'elle fait ? » dans la bouche de la collègue qui a dû lancer deux « Personne suivante ! » consécutifs en l'absence de « mon » hôtesse. Cette fois il m'est donné de tromper mon attente en assistant aux passages affairés d'autres « conseillères », subitement sorties d'on ne sait où. Des vraies, pas des intérimaires.
Facile à reconnaître. D'abord au claquement des Louboutin ou assimilés attaquant le sol péremptoirement. Elles ne sont pas boudinées dans des petits fourreaux noirs de La Halle aux Vêtements. La chaude saison leur autorise encore les tenues sexy-mais-pas-trop qu'on trouve au bord des piscines d'hôtel de luxe dans les magazines en papier glacé. Et surtout elles maîtrisent parfaitement la démarche du renard qu'affectent les top-models : le pied doit se pose en avant à la gauche du pied gauche, puis le pied gauche vient se poser en avant à la droite du pied droit. Cette technique pour casse-gueule qu'elle est, est le secret d'une lascive croupe ondulante. Des top-models, elles affectent aussi le regard vide perdu dans le lointain et bien sûr, la moue dédaigneuse qui leur façonne si bien cette provocante tête-à-claques. L'une d'elle, dont le regard avait malencontreusement glissé jusqu'à ma petite personne a même dû laisser filtrer un timide « bonjour » de sa bouche en cul-de-poule.
Mais revoilà ma mienne. C'est vraiment une débutante ! Elle m'annonce très franchement, sans toutes les circonlocutions fleuries en usage dans la corporation que : « on s'est trompé… Ils (le service comptable) n'ont pas pris en compte que votre dentiste avait une convention avec nous ».
Comme, par boutade, je lui souhaite de ne pas avoir beaucoup de clients comme moi (à une demi-heure le renseignement !), elle me concède naïvement que moi, je suis « gentil »…
Bon courage pour la titularisation !
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