Le Mot du Jour (d'hier)
« Mon côté punk » – La crucifixion
Tu viens c't après-midi à la crucifixion ?
T'as qu'à venir avec moi, ça t'changera les idées !
Ta bergère est pas là, profite de l'occasion.
Moi j'ai prévenu Lévy que je prenais ma journée
J'y ai dit : "J'veux voir ça, et pis j'ai mes raisons !"
Il a pas pu refuser, vu qu'il y va, cézigue !
Ça va ramener du monde et marquer la saison
C't'affaire-là, tu vas voir. Mais le truc qui m'intrigue
C'est qu'sur les trois clients qu'ils vont foutre au séchoir
Y en a deux, paraît-il, qu'on a dû bien connaître
Ils nous ont fait marron sur un coup d' marché noir
On ira les regarder, ça les amusera peut-être
Quand on avait l'tuyau pour les surplus romains
J'avais tout préparé, tout mâché la besogne.
On était cinq sur l'coup, vraiment du cousu-main !
Quand ils nous ont doublés, on a passé la pogne
Mais j'dois dire qu'aujourd'hui je vais bien rigoler !
Comme quoi, mon vieux cochon, y a tout d'même une justice.
Comme disait mon vieux père : "Faut pas tuer ni voler
À moins d'être certain que le coup réussisse !"
Le troisième, il paraît qu'il marche à la gamberge
Il jacte à droite, à gauche, on l'a vu venir de loin.
Il est pas vieux du tout, il n'a pas trente-cinq berges.
On sait pas bien qui c'est, c'est pas un gars du coin,
C'est un genre de rebouteux, il guérit les malades,
Ça fait trois ans, guère plus, qu'il est sur le trimard.
N'empêche que le Pilate et ses p'tits camarades
L'ont prié d'obéir et d'arrêter son char
Comme disait mon vieux père : "La poisse, elle vient toute seule
Mais plus tu veux jacter, plus qu'elle vient rapidement;
C'est une belle qualité d' savoir fermer sa gueule"
Mon père, pour un ivrogne, il n' manquait pas d'jugement !
D'ailleurs, en fait d'jugement, c'est par là qu'ça commence.
Tu viens ?… Moi, j'm'en vais, je veux pas m'foutre en retard
Si tu veux venir, tu viens… J' te dirai c'que j'en pense !
J'passerai pour l'apéro, à sept heures, au plus tard.
Ça y est, me v'là revenu, j'en ai les jambes coupées
J'ai vu assez d'salauds pour le restant d'mes jours
Et c'est le genre d'histoire qui s'ra vite étouffée…
T'en entendras causer, crois-moi, pis même les sourds.
D'abord le tribunal, une vraie rigolade !
Les carottes étaient cuites, archi-cuites au début.
Le Pilate s'en foutait, mais les p'tits camarades
Ça gueulait maximum, aussi fort qu'ils ont pu.
Le mec, il était là, il a pas dit grand-chose ;
Et pis j'étais trop loin, j'ai pas bien entendu.
Tout l'monde braillait là-dedans mais pour plaider sa cause
Y a personne qu'a moufté… Ni l'avocat non plus.
D'ailleurs, y en avait pas ! C'était la mascarade !
Et j'suis sûr que le gars, il est blanc comme l'agneau !
Tu peux dire que l'Pilate et ses p'tits camarades
Ça fait avec nous autres une belle bande de salauds !
On a beau être des voyous, vivre comme des malhonnêtes,
Y a tout d'même des machins qui vous foutent le bourdon.
Tout était combiné ! Même la croix qui était prête !
Et quand on vous y colle, on sait que c'est pour de bon.
Et pis la croix maintenant, c'est toi qui te la coltines,
C'est nouveau, je te préviens, si ça t'arrive un jour.
Tout seul et ça sur l'dos jusqu'en haut d'la colline…
Il s'est juste arrêté pour faire un p'tit discours.
Il s'trouvait juste en face d'un ramassis de bonnes femmes
Qui chialaient comme des veaux, faut dire qu'y avait de quoi !
Il leur a dit comme ça : "Pour le salut de vos âmes
Il vaudrait mieux pleurer sur vous-mêmes que sur moi !"
Sa vieille, la pauv' mémère, elle était là toute seule,
Y aurait pas eu un type pour y donner la main
Surtout quand son fiston, il s'est cassé la gueule
Trois fois d'suite, sous les coups d'ces enfoirés de Romains !
Moi, ça m'a foutu le noir, pourtant j'suis pas sensible
Ça m'a tout barbouillé, j'en suis cœur sur carreau !
Faut dire que le populo, c'est vraiment des horribles
Ils sont pour la plupart plus fumiers que les bourreaux
Bref, je n'suis pas revenu pour gâcher la soirée.
Ils l'ont cloué là-dessus et tout l'monde est parti
Tu parles d'une journée …Moi j'en suis lessivé
Et tout l'monde est pareil… et pis c'est pas fini…
Les deux autres ? Ah ben oui, pardonne-moi si j't'excuse,
Eh ben, j'les ai pas vus, j'y ai même plus pensé !
Ils sont toujours là-haut, vas-y si ça t'amuse,
Pour moi, ça va comme ça, j'en ai vu bien assez !
Paulo, tu me connais bien, tu sais que les innocents
Je m'en fous complètement. Seulement pour le quart d'heure
Je dois dire que c'que j'ai vu, ça m'a tourné les sangs
Un mot que je dis jamais, Paulo : ça m'a fait peur !
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1 commentaire
Commentaire de: blanchard [Visiteur]
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Crucifixion, un poème de Bernard Dimey dans le recueil “Poèmes voyous” (date inconnue mais le texte est dit par Henri Salvador dans un 45 tours de 1966). Repris ici par le groupe “Mon côté punk” en 2005…