Souffrance
Je sais… Je n'aurais pas dû zapper…
Je ne supporte pas le spectacle de la douleur. Et encore moins son exhibition complaisante.
Hier soir, un doigt malhabile qui ripe sur la zapounette et je me retrouve au cœur du match de foot PSG contre Saint-Étienne. Ces affrontements brutaux de vingt-deux gaillards se disputant la même balle à force d'entrechats subtils et de coups de pieds rageurs ne peuvent que générer horions, coups et blessures.
Ce fut le cas hier, au moment même où je tombai sur cette arène, deux protagonistes, dans une espèce de combat rapproché, se livraient à un jeu de jambes qui n'était pas sans rappeler les danses rituelles de certaines tribus primitives… Dans ce corps-à-corps, c'était prévisible, l'un des deux gladiateurs écrasa les arpions de son adversaire sous les crampons de ses chaussures de combat.
Ouille, ouille, ouille… Allo maman, bobo !
L'image de la victime, gisant sur le pré, tout son corps agité de soubresauts de douleur, à moins que ce ne soit de bien légitimes sanglots, m'était insoutenable.
Mais, ainsi est faite la nature humaine, une curiosité malsaine m'a tenu les yeux rivés à cette vision morbide. Le pauvre bougre, recroquevillé sur lui-même, tentait, dans une puérile manœuvre pour calmer sa douleur, de masser ses orteils à travers le cuir épais de sa chaussure, dérisoire bouclier aux couleurs de son camp.
J'ai du partager le martyre du supplicié pendant l'interminable attente d'un personnel médical. Et la caméra s'attardait complaisamment sur ce paquet de souffrance, alternant de pathétiques plans d'ensemble de cette scène abominable avec des gros plans sur la chaussure devenue brodequin.
Enfin, l'homme de l'art arriva. On devine la douloureuse explication que lui a confiée la victime dans un faible murmure à l'extrême délicatesse avec laquelle le soigneur a osé déplacer le membre endolori. Il semblait perplexe sur la conduite à tenir. Faudrait-il évacuer le blessé vers une structure hospitalière mieux équipée ? Lui faudrait-il découper la chaussure pour en extraire on n'ose imaginer quel horrible mélange d'os et de chair meurtris et trainés dans la fange…
Je restais malgré moi hypnotisé par la tension extrême du moment.
Et puis le praticien a pris sa décision. On l'a senti déterminé, sûr de son diagnostic et confiant dans la thérapeutique.
D'un geste assuré, il s'est muni d'une bombe aérosol puis, avec une précision chirurgicale, pschitt… pschitt… il a dirigé le jet de gaz salvateur à même le cuir de la chaussure du footballeur…
Le suspense fut de courte durée.
Une main secourable a aidé à la remise sur pied du champion qui, sans autre forme de convalescence, est parti en trottinant gambader sur la pelouse avec ses camarades.
Le rationaliste impie convaincu que je suis doit bien se rendre à l'évidence…
Il me sera désormais interdit de ricaner aux histoires d'aveugles recouvrant la vue ou de paralytiques sautant de joie…
Merci mon Dieu ! Merci le PSG ! Merci l'ASSE ! Merci la FFF !
Photo d'archives
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