Rubrique cinématographique
J’ai retranscrit cette chronique parce que je me suis dit qu’il y a des actifs qui n’ont pas que ça à faire que d’écouter la radio à 9 h ½ du matin !
Christophe Conte.
Billet doux à Nicole Garcia. 4 février 2014
Nicole Garcia, j’ai regardé votre film, dimanche. Et on ne peut pas dire que c’était un beau dimanche. Pas à cause du film, je vous rassure, mais la raison était ailleurs. Elle était dans la rue, la raison qui me fait détester de plus en plus les dimanches, depuis que le jour de repos républicain est cornaqué par les adeptes illuminés du Jour du Seigneur qu’ils transforment de plus en plus en jour de procession et de prosélytisme, hors des églises prévues à cet effet.
J’ai entendu notamment ces gens qui désormais battent le pavé comme de vulgaires soixante-huitards nous dire avec le plus grand sérieux que le gouvernement socialo-satanique avait pour projet d’enseigner la pornographie à l’école. Je me disais d’ailleurs, qu’à l’instar de la pornographie, il y avait dans ces déambulations dominicales des versions « soft », comme dimanche dernier, et des versions plus « hard », comme l’autre jour, avec les colériques de tout poil qui n’hésitaient plus à mêler bénitier, croix celtiques, quenelles et battes de base-ball.
Dans tous les cas, un seul mot d’ordre : il faut protéger la famille, nous dit-on. La sacro-sainte famille avec un papa, une maman, des enfants, un labrador et un crucifix. Un modèle ancestral qui, à les entendre, ne connaîtrait aucune faille, nulle perversion et qu’il conviendrait donc d’exhiber comme étalon unique face aux déviances forcément contre-nature des lobbies sodomites et des féministes pro-IVG.
J’en reviens à vous, chère Nicole Garcia car, en regardant d’un peu plus près votre filmographie, comme actrice et comme réalisatrice, j’ai remarqué que ce modèle de famille idéale y prenait un sacré coup dans l’aile de la monospace.
Si on démarre par la fin, avec « Un beau dimanche », on voit quoi ? Un petit garçon, né d’un papa et d’une maman qui est ballotté de l’un à l’autre, souvent mal aimé, et puis un garçon plus grand qui a fui, quant à lui, par nécessité sanitaire, le modèle de la grande famille bourgeoise qui est un prototype de celles qui défilaient dimanche dernier.
Dans presque tous les films que vous avez réalisés, on peut dire que ce n’est pas vraiment la fête chez la famille Ricorée ! Le plus parlant étant votre adaptation de « L’adversaire », le roman d’Emmanuel Carrère, lui-même inspiré de l’affaire Roman, un autre bel exemple de folie destructrice dissimulée derrière la façade d’une famille modèle.
En tant qu’actrice, c’est pas mieux car, même si vous avez tourné dans « Le Gendarme se marie », vous avez aussi beaucoup donné dans les femmes trompées et les femmes trompeuses, du « Cavaleur » à « Péril en la demeure ». Vous étiez également dans cette fabuleuse expérience qu’est « Mon oncle d’Amérique » d’Alain Resnais où les travaux autour des différentes formes de cerveaux montraient combien l’être humain échappe à ces stéréotypes que certains cherchent, aujourd’hui, à ériger en matrice pour tous.
Ne voulant pas croiser ces gens qui prétendent nous imposer leurs idéaux moyenâgeux, j’ai donc préféré rester chez moi et j’en ai profité pour lire l’interview de Louise Bourgoin dans Version Fémina. La belle Louise qui vous considère comme un modèle. Elle dit qu’elle voudrait grandir comme vous et, d’une certaine manière, qu’elle voudrait être vous quand elle sera grande.
Et bien je vais vous faire un aveu, Nicole Garcia : moi aussi. Oui, c’est un peu tard, mais j’aurais bien aimé être vous, Nicole Garcia, ne serait-ce que pour avoir un enfant avec Jean Rochefort. Mais ça, ça plairait pas beaucoup aux manifestants qui rendent nos dimanches beaucoup moins beaux qu’autrefois.
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