Le Mot du Jour (dur…)
Bon appétit Messieurs !
Il y a quelques temps déjà, je me suis livré à une compilation de l'œuvre de San-Antonio, me surprenant moi-même du nombre d’occasions qui m’étaient données de m’exclamer in-petto : « J’aurais pu dire ça ! », « Ça, c’est du vécu ! », « Que n’ai-je pas le talent d’écrire ça ? ». Ou encore, parodiant la Mère Denis « Ah ben ça, c’est ben vrai, ça ! ».
Aujourd'hui, une collision d'actualités (La guéguerre de deux archi-milliardaires pour envoyer une mémère dans l'espace et la famine à Madagascar) à ravivé ma mémoire .
« …ça me fait penser au jumelage de nos villes avec des villes étrangères. L’idée est bonne en soi (…) mais mal employée car on se marie toujours avec des bleds prospères. Ça tourne tout de suite au banquet, à l’échange de fanions, à la balade organisée. C’est bourgeois, c’est peinard, c’est inutile. On chique au rapprochement des peuples. On serre sur son cœur le bourgmestre de telle ville allemande qui, naguère, dirigeait la Gestapo et on en frissonne d’émotion. Mais à quoi ça rime, dans le fond ? C’est du tourisme sentimental, rien de plus. Ce que je suggère, car ce serait efficace, c’est qu’on se jumelle avec des patelins sous-développés. Au lieu de leur cloquer des fanions on leur donnerait du lait condensé, ça aurait une autre allure. Y a plein de lardons étiques qui sont près à appeler maman un tube de lait Nestlé, songez-y, bon Dieu ! Pour lors, le jumelage voudrait dire quelque chose. Au lieu de dodus Allemands, des proprets Scandinaves, des pittoresques Écossais, on hébergerait des Hindous sans calories, des Sud-Américains anémiés, des Africains scrofuleux. (…) Pour ma part, je suis prêt à me jumeler avec Calcutta ou Caracas. Je commence à avoir singulièrement honte de notre prospérité occidentale, pas vous ? »
San-Antonio in « Mange et tais-toi » 1966 .
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