© Photo Jeff Saby. Prise de vue: Dimanche 31 août 2014, à 15 h 34. Appareil: Fujifilm X-E1. Objectif: Fujinon aspherical lens. Super EBC XF 18-55 mm ƒ/2.8-4 ; focale: 25 mm (=37,5 mm en 24x36). Exposition: Auto, programme normal, 1/320e de s, ƒ/5.6, ISO 800. Flash: non
J'ai fait aujourd'hui mon habituelle excursion à Bruniquel et j'ai revu la grotte préhistorique dont j'ai déjà parlé dans ce blog.
Plusieurs membres de notre famille ont éprouvé un attachement particulier à Bruniquel (Tarn-et-Garonne) qui fait partie de la liste des plus beaux villages de France. Mon père avait même envisagé un moment d'acheter une maison en face du château qui a servi de décor au film « Le Vieux fusil ». Et moi, dans sa lignée, j'avais écrit à la mairie, en 1998, pour demander si la grotte proche du village, qu'il m'avait fait connaître au milieu des années 50, appartenait toujours à la famille Brousse. Ma lettre était restée sans réponse, car la grotte de Bruniquel, que je continuerai à appeler ainsi, est située dans la commune de Penne (Tarn). C'est ce qu'avaient compris avant moi ses actuels propriétaires.
Passez donc à ma grotte ! Magie d'internet, dans son commentaire (
ici) sous mon article de 2009, l'un d'eux, Florian, m'a invité à m'arrêter, « le temps du souvenir » lors d'un prochain passage. En 2011, ayant omis d'annoncer ma venue, j'avais trouvé l'endroit désert et clos. Cet après-midi, il y avait du monde.
Après un bon quart d'heure d'hésitation, imputable à ma timidité naturelle, je me suis enfin décidé à gravir les marches creusées dans la pente. Arrivé en haut, j'ai aperçu, dans une nouvelle petite clairière, une colonie humaine de quatre ou cinq individus en état de douce oisiveté et d'heureuse inaction. J'ai immédiatement ressenti cette impression, déjà rencontrée à Tautavel, de continuité de notre espèce.
Un des membres du groupe, un homme de belle allure, s'est approché, sans hostilité, juste intrigué par mon intrusion. Entre Florian et moi, le dialogue a été spontanément cordial.
Georges Herment, artiste habilis. Je ne sais plus comment est arrivée dans la conversation l'évocation de Georges Herment. Sous la conduite de mon père, nous allions lui faire une courte visite, tous les deux ou trois ans, dans sa maisonnette au bord du précipice, à Penne-sur-Tarn, autre village perché. Je n'avais gardé de lui que le souvenir d'un homme original, avenant et modeste, ex-facteur, potier, céramiste (je revois encore la grande table au centre de la pièce de vie où s'étalaient ses dernières créations) et auteur d'un Traité de la pipe qui fait référence auprès des amateurs de bouffardes, ce que j'avais appris par un long article consacré à l'ouvrage dans un Historia ou un Miroir de l'Histoire. Ce n'est que longtemps après sa mort, en 1969, et pour tout dire ce n'est que dans l'ère Google, que j'ai découvert la richesse de la vie de cet homme éclectique, habile avec les notes, les mots et les objets, qui fut tout à la fois jazzman (membre actif du Hot Club de France), romancier, poète. Bref créateur de formes en tous genres, qualifié par Daniel-Daynes-Herment, lors d'une cérémonie d'hommage en mai 2012, de « dernier artiste magdalénien ». On ne sort pas du sujet. Et bien, mon hôte du jour l'a connu lui aussi.
Résidence secondaire. Au terme du tour du propriétaire, j'en suis arrivé à deux conclusions. La première est que les nouveaux troglodytes, qui habitent à Montauban la semaine, ont fait en une quinzaine d'années un travail dont j'aurais été bien incapable. Bricoleurs doublés d'artistes, ils ont amélioré le confort de cet habitat de l'âge de la pierre sans le dénaturer, lui ajoutant même un supplément d'âme, celui qui s'attache aux choses quand on les fait avec passion. La plateforme devant l'entrée s'est enrichie d'un cabinet de toilette digne du Palais idéal du facteur Cheval et d'une antichambre cosy. La cuisine qui était jadis installée dans l'appentis donnant sur la terrasse est devenue une deuxième chambre. Ma seconde conclusion découle de la première : l'acquisition par Florian et les siens de la grotte de Bruniquel est ce qui pouvait lui arriver de mieux.
Un seul regret : je n'ai pas pris assez de photos. Vous aimeriez, vous, qu'un quidam vienne photographier votre résidence secondaire ? Même si celle-ci est bien plus vieille que les pyramides, elle a droit à son intimité, vous ne croyez pas ?