Aujourd’hui je laisse la place à Tonton Cavanna
pour un Mot du Jour en forme de poème à la Prévert
à côté duquel mes petites pissoteries du matin paraissent bien ridicules.
C’est le printemps, le pavé brûle,
La rue chante et fait des bulles,
Les murs, bourrés, s’entrechoquent,
Tous à poil, a bas les loques !
Mettez-vous-en plein les bottes,
Plein les joues, plein les quenottes,
Plein les bras, plein les mirettes,
On s’en fout, on est bien, c’est chouette,
Le soleil luit pour tout le monde,
Faisons l’amour à la ronde.
Qu’est-ce que c’est ?
Maman j’ai peur, qu’est-ce que c’est ?
C’est le printemps, bande de cons !
Rendez nous la République,
Planque ta fille ou je la nique,
Les top models avec nous,
À quatre pattes ou bien à genoux,
Y’a Sarkozy qui déconne,
C’est la fête à la baronne,
Il pleut des Rolex partout,
Ça vous rentre par tous les trous.
C’est le printemps, bande de cons !
À plat ventre dans la bouillasse,
Là où que c’est le plus dégueulasse,
Vise la patronne des patrons
Qu’a laissé tomber deux ronds.
C’est le printemps, bande de cons !
Fourrez-vous-en plein la lampe,
Hortefeux se cache et rampe,
C’est la fête à la grenouille
On va bientôt voir ses couilles,
(C’est usé, c’est pour la rime),
Les pauvres sont toujours pauvres,
Et même encore un peu plus,
Le muguet fleurit sur l’herbe,
Mais voilà il n’y a pas d’herbe ;
Il y a le pape tout en or,
Il s’est cassé la binette
Sur une capote anglette
C’est le printemps, bande de cons !
Sarkozy fait ses valises,
Prêt à toutes les surprises,
Tout le peuple est dans la rue,
C’est pas pour dire, mais ça pue.
Lève le nez, le soleil brille,
Le génie de la Bastille
De là haut te pisse dessus
En riant comme un bossu.
C’est le printemps, bande de cons !
La tour Eiffel se défripe,
L’écrasé range ses tripes,
Un air de révolution
Donne aux mémères le frisson,
Miss France ouvre grand les cuisses,
Patapon enfile Maurice,
La météo en chaleur
Ne prédit que du bonheur.
La crise c’est pour demain,
Mais demain c’est après-demain,
Autant dire l’éternité,
Aujourd’hui faut s’empiffrer
C’est le printemps, bande de cons !
Les pauvres seront plus pauvres,
Les riches seront plus riches,
À moins qu’à minuit moins le quart
On les vire tous et ça repart.
On peut continuer comme ça,
C’est la danse des chats et des rats.
C’est pas du rap, c’est pas du rythme.
C’est moi qui me cogne partout.
Pour moi et seulement pour moi,
C’est un bonjour à Reiser
Qui, sur la « une » à pleins poumons
Gueulait :
« C’est le printemps, bande de cons ! »
François Cavanna, “Charlie Hebdo” n°05777
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