Deux combinards, fauchés à blanc, Gaffant qu’ils n’avaient plus de ronds, Cavalèrent un jour, à la flan, Baratiner un mironton. – Nous avons, bavèrent-ils, pour te faire un pardingue, Repéré dans le bled, un ours des plus comacs. Si tu veux les lâcher, débrider ton morlingue, Nous t’apportons sa pelure, et tu nous file un sac. – Gigo ; cavalez en vitesse. À vous mon fric et mes pélots. Là-d’ssus voilà nos mecs à la redresse Qui bagotent se mettre au boulot. Arrivés sur le tas, ils zieutent la bestiole, Qui les gaffe à son tour ; assis sur son pétard. Ils n’osent en bonir une, ayant tous deux les grolles Et, biglant Martin qui radine De leur côté, d’un même accord Ayant gambergé la combine, Chacun pose sa chique et fait le mort. – Ces truands à la manque me prennent pour une gourde, Bonit l’ours à la page, en s’approchant du preu. Puis, lui ayant jacté dans les esgourdes, Il se trique peinard loin de nos cafouilleux. Ceux-ci, encore à moitié dingues S’empressent de mettre les bouts de bois. Nib de pognon, nib de pardingue, Notre ourson ayant eu la loi. – Dis-moi, fis le second, ce que ce vieux duch’noque A bien pu te baver avant de se barrer ? Que l’on ne doit jamais, à moins d’être sinoque, Fourguer la p’lure de l’ours avant qu’il soit clamsé. |
Deux Compagnons pressés d’argent À leur voisin Fourreur vendirent La peau d’un Ours encor vivant, Mais qu’ils tueraient bientôt, du moins à ce qu’ils dirent. C’était le Roi des Ours au conte de ces gens. Le Marchand à sa peau devait faire fortune : Elle garantirait des froids les plus cuisants ; On en pourrait fourrer plutôt deux robes qu’une. Dindenaut prisait moins ses Moutons qu’eux leur Ours : Leur, à leur compte, et non à celui de la Bête. S’offrant de la livrer au plus tard dans deux jours, Ils conviennent de prix, et se mettent en quête ; Trouvent l’Ours qui s’avance, et vient vers eux au trot. Voilà mes Gens frappés comme d’un coup de foudre. Le marché ne tint pas ; il fallut le résoudre : D’intérêts contre l’Ours, on n’en dit pas un mot. L’un des deux Compagnons grimpe au faîte d’un arbre ; L’autre, plus froid que n’est un marbre, Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent ; Ayant quelque part ouï dire Que l’Ours s’acharne peu souvent Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire. Seigneur Ours, comme un sot, donna dans ce panneau. Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie, Et de peur de supercherie Le tourne, le retourne, approche son museau, Flaire aux passages de l’haleine. « C’est, dit-il, un Cadavre : ôtons-nous, car il sent. » À ces mots, l’Ours s’en va dans la Forêt prochaine. L’un de nos deux Marchands de son arbre descend ; Court à son Compagnon, lui dit que c’est merveille Qu’il n’ait eu seulement que la peur pour tout mal. « Eh bien, ajouta-t-il, la peau de l’Animal ? Mais que t’a-t-il dit à l’oreille ? Car il s’approchait de bien près, Te retournant avec sa serre. — Il m’a dit qu’il ne faut jamais Vendre la peau de l’Ours qu’on ne l’ait mis par terre ». |